Sa vie

Enfance
Jeunesse
Séminaire Châlons sur Marne
Etudes à Paris
Professeur à l'Institut Catholique de Paris

Alfred Loisy, son berceau champenois / Vidéo réalisée par Pierre Leroy, et Michel That
Renvoi de l'Institut Catholique de Paris
Condamnation de ses oeuvres
Professeur au Collège de France
Excommunication
Enterré à Ambrières (51)

Le mystère de l'abbé Loisy


[Le texte qui suit est constitué d'extraits de l'œuvre autobiographique d'Alfred Loisy reprise plusieurs fois et à des moments différents de sa vie : d'abord dans
Choses passées, Paris, Émile Nourry, 1913 ; puis dans les trois gros volumes des Mémoires pour servir à l'histoire religieuse de notre temps (1857-1927), Paris, É. Nourry, 1930-1931 enfin dans une notice publiée par Émile Poulat dans Critique et mystique. Autour de Loisy ou la conscience catholique et l'esprit moderne, Paris, Le Centurion, 1984. Ce montage a été établi par Pierre-E. Leroy, maître de conférences au Collège de France et président de l'association. Il l'a lu en public, le 3 octobre 2003, à la chapelle de la Maison Saint-Joseph, à Châlons-en-Champagne, lors du colloque organisé par l'Association et intitulé : Histoire et vérité : Loisy à l'épreuve du temps ; cette lecture était entrecoupée de morceaux musicaux interprétés par l'ensemble Polyfolia de Châlons]


1- Jusqu'au sacerdoce

La Marne, en sortant de Saint-Dizier, s'infléchit légèrement vers le sud et vient longer le pied des coteaux boisés ou plantés de vignes qui dominent de ce côté le fertile Perthois. Elle passe devant l'antique chapelle de Saint-Aubin, un saint à pèlerinages, et qui fait encore quelquefois des miracles ; puis c'est, en avançant à l'ouest, le petit clocher de la Neuville-au-pont, moins haut que les arbres qui l'entourent ; plus loin, la vieille église d'Ambrières, qu'on dirait prête à tomber de l'escarpement où elle se dresse, veuve de ses nefs latérales, dépourvue de clocher, avec son portail mutilé comme si la hache y avait passé. Après un crochet vers le bourg de Perthes, la rivière paresseuse se rapproche des hauteurs, au-dessous de l'ancienne abbaye de Haute-Fontaine, et bientôt, la barrière de colline disparaissant, elle s'avance lentement à travers les plaines unies de la Champagne. C'est à Ambrières que je suis né. Ma maison natale est la dernière du village, un peu à l'écart, faisant pendant à l'église, du côté de Haute-Fontaine, avec une vue très agréable sur le cours sinueux de la Marne et sur les villages de la vallée. Mes ancêtres ont vécu là depuis les premières années du siècle dernier. Ils étaient cultivateurs, de père en fils. Au moins depuis le commencement du XVIIIe siècle, les Loisy étaient fermiers des moines de Haute-Fontaine, et leur clan prolifique avait essaimé dans les hameaux d'alentour. Les moines partis, mon arrière-grand'père n'avait pu s'entendre avec l'acheteur de biens nationaux qui les avait remplacés, et il était venu s'établir à Ambrières. Il ne semble pas que la souplesse de caractère ait jamais été le trait dominant de la famille. Brave gens, grands travailleurs, aimant la terre et sachant la soigner, un peu fiers peut-être pour leur condition, tels étaient les aïeux dont je viens. J'ai hérité de leurs goûts, mais non de leur vigueur. Moi aussi j'aurais aimé travailler la terre, et même à présent je ne m'y ennuierais pas du tout si mes forces me le permettaient. Elles ne me l'ont jamais permis…..

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Quelques étapes de sa vie et de son oeuvre


L'Institut Catholique - Paris
Programme de l'enseignement biblique, publié dans le numéro de janvier-février 1892 de la revue " L'enseignement biblique " (Revue bimestrielle fondée par Alfred Loisy)

Personne assurément ne s'étonnera de nous voir appliquer la méthode historique et critique à la science scripturaire. Ce n'est pas que nous perdions de vue le caractère surnaturel des livres saints, ni les principes dogmatiques qui sont la règle infaillible de l'exégèse ; nous ne faisons que nous conformer aux nécessités du temps présent. " Il est une chose qu'un théologien ne saurait être, écrit M. Renan, je veux dire historien. L'histoire est essentiellement désintéressée. L'historien n'a qu'un souci, l'art et la vérité…Le théologien a un intérêt, c'est son dogme. Réduisez ce dogme autant que vous voudrez, il est encore pour l'artiste et le critique d'un poids insupportable. Le théologien orthodoxe peut être comparé à un oiseau en cage : tout mouvement propre lui est interdit. Le théologien libéral est un oiseau à qui on a coupé quelques plumes de l'aile. Vous le croyez maître de lui-même et il l'est en effet jusqu'au moment où il s'agit de prendre son vol. Alors vous voyez qu'il n'est pas complètement le fils de l'air "
Ce passage de la préface à la Vie de Jésus contient beaucoup d'erreurs ; mais ce sont des erreurs très répandues et qu'on ne réfutera pas efficacement avec des syllogismes. On nous pose en effet qu'un théologien ne peut pas être historien, dans le sens complet du mot, lorsqu'il s'agit de l'histoire biblique. C'est à nous, théologiens, de prouver le contraire par le fait, en montrant que nous sommes capables autant que d'autres de faire la critique, de la critique sincère, et même, en un sens très vrai, de la critique libre, parce que sur le terrain de l'histoire biblique, comme en tout autre sujet, la foi dirige, sans le gêner, les investigations de la science, et que les conclusions certaines de la critique ne peuvent pas être en opposition avec les données de la foi.


Lettre de Loisy au Père Savi, communauté des Barnabites de Rome
(Recueillie par Elisabeth Scheele).

Ambrières, le 29 juillet 1892

…. "Mes Mythes chaldéens* vous ont un peu effrayé, je le sais bien. ……Il y a dans ma brochure une opinion que je crois certaine et une hypothèse. L'opinion consiste à dire que les premiers chapitres de la Genèse n'ont pas précisément le caractère d'un document historique, la valeur principale des récits consistant dans l'idée qu'ils servent à mettre en relief. On n'a pas besoin de l'assyriologie pour démontrer cela. Dés lors il importe peu que les éléments narratifs aient été inventés par les auteurs bibliques (hypothèse invraisemblable) ou qu'ils aient été puisés dans une tradition soit spécialement juive, soit sémitique. Il y a chance pour que certains de ces éléments (non l'idée qu'ils font valoir) proviennent de l'ancienne tradition sémitique, ou pour parler plus exactement, ses légendes chaldéennes : voilà l'hypothèse."

*Voir dans la bibliographie la notice n°7
En octobre 1892, le Supérieur de Saint Sulpice, interdit à ses étudiants d'assister au cours d'Ecriture Sainte de Loisy à l'Institut catholique de Paris parce qu'il contestait le caractère historique des premiers chapitres de la Genèse.



La retraite à Ceffonds
Alfred Loisy s'installe à Ceffonds vers la fin avril 1907. Voici ce qu'il écrivait à Albert Houtin quelques jours auparavant :
" Je vais être propriétaire d'une maison sise à Ceffonds, prés Montier-en-Der, Haute Marne. Ceffonds est comme un faubourg de Montier-en-Der, dont il n'est séparé que par le chemin de fer. Je suis à deux pas de la gare et à sept ou huit minutes de ma sœur. Ma maison est élevée sur cave et sous-sols, donc très saine ; il y a un petit parc avec des arbres, une basse-cour, un potager. "
La soutane que portait encore M. Loisy lorsqu'il vint habiter Ceffonds lui créait des devoirs de politesse envers la hiérarchie ecclésiastique. Mais, comme il se sentait sur le point de quitter l'Eglise, il crut inutile de se mettre en rapport avec ceux qui la représentaient dans le pays qu'il allait désormais habiter. Il n'informa donc pas de son arrivée l'évêque de Langres, Mgr Herscher, prélat tolérant, qui ne demanda qu'à ignorer ce prêtre en situation peu canonique. Il ne fit pas de visite aux curés de Ceffonds et Montier-en-Der et comme il se croyait tenu, à raison de son costume, d'assister à la messe le dimanche, il n'accomplit pas cette observance à Ceffonds, où l'on ne célèbre qu'une grand-messe ; il se rendait à Montier-en-Der à une messe basse, qu'il entendait mêlé à de rares fidèles.
Il ne sortait qu'avec l'habit ecclésiastique. Chez lui, il était ordinairement en civil. Les villageois le prirent pour un curé retiré du métier, et comme le métier leur semblait désagréable et mauvais, ils ne pouvaient que l'approuver.
Il conserva sa vieille manière de vivre : le matin, rédaction de ses livres et préparation de ses publications ; après déjeuner, longue promenade sur la grand'route ; le soir, lecture de livres nouveaux et rédaction de comptes-rendus. Il se couchait toujours à 8h ½ .
Extrait de " Alfred Loisy, sa vie - son œuvre " Albert Houtin, Félix Sartiaux, publié par Emile Poulat, Paris, 1960, p. 140,141

Les parents de Colette Bonnot
Colette Bonnot, toute petite fille, a connu Alfred Loisy.


Mme Hemonet, Colette (née Bonnot)
16 rue Jurue
54800 JARNY

Bien cher Monsieur le Maire,*

Je me permets de vous adresser de nouveau ce petit message, quand j'ai appris qu'à Ambrières il y avait une rue qui désormais s'appelait rue [place] Alfred Loisy, ce qui nous a beaucoup touché, ma sœur et moi, ayant quitté Ceffonds, mais nous sommes restées Ceffondaises et tout dernièrement nous avons appris qu'une de ses photos était affichée au mur de sa maison (côté Montier-en-Der). Comme on aurait bien voulu nous rendre à cette petite cérémonie, car c'était notre jeunesse ma sœur a 91 ans et moi 86, comment nous déplacer à notre âge ?

J'en possède une reproduction que l'on m'a offerte. Je sais très bien que pour nous ça aurait été très dur, que de grosses larmes nous auraient envahies.

J'étais un peu la petite chouchoute, étant la dernière. J'allais les mercredis [je pense que c'était plutôt les jeudis à cette époque] après-midi me promener avec Mr Loisy, lui toujours son chapeau et sa canne, il me tenait toujours bien la main. Mr Loisy ne tenait pas à rencontrer des gens lors de nos promenades, alors on passait sur la route de Louze- de Jagée et Chancourt [ ?].

Je n'oublie pas et je n'oublierai jamais.

Je me souviens toujours quand j'allais le voir le soir- je n'oublierai surtout pas, je sautais sur les fauteuils, le grand canapé- déchaussée bien sûr. Je jouais avec les tirettes des doubles rideaux- aucune remontrance. Cela m'était permis. Un soir, je me suis permis de lui retirer ses lunettes et les mettre à son beau buste qui était sur la cheminée de son grand salon. Il riait, il me faisait toujours des petites cocottes en papier.

Le bureau qui m'a été offert par Mr Loisy -mon grand père pourrait-on dire- se trouve toujours chez une de mes filles qui habite Nancy. Elle a un grand appartement (mais il est à moi). Inutile de vous dire qu'il est très bien entretenu et les quelques livres bien rangés.

J'ai une photo de Mr Loisy sur les escaliers de son perron qui allait à son bureau, avec ma petite maman et mon petit papa (que de bons souvenirs passés bien trop vite).

Mon plus cher désir serait de voir cette photo au mur de sa maison.

Les enfants ont leurs vies et leurs enfants. Que de belles fêtes de Noël et de Pâques nous avions. Nous étions gâtées.

Je suis allée plusieurs fois sur sa tombe et fait la connaissance de Mme Couvreux.

Monsieur, il y a une chose qui me tient à cœur et n'ose pas trop vous le demander, vous serait-il permis de me dire en quelle année Mr Loisy a été réhabilité ? (Si toutefois ça ne vous engage à rien- je vous en supplie).

J'ai eu la grande douleur de perdre mon époux il y a 7 mois - c'est très triste et très dur.

J'espère, Monsieur le Maire, que vous comprendrez ma petite lecture, mais j'ai beaucoup de mal maintenant à écrire et me déplace en déambulateur.

Bien cher Monsieur, je vous adresse mes salutations les plus distinguées et mon remerciement le plus profond.
Bien sincèrement,
Colette Bonnot
Née à Ceffonds - 21 mars 1931.

- - - - Mme Hemonet est décédée le 9 mai 2017 dans sa 86e année

* Denis Droin , maire d'Ambrieres



Le Collège de France
Le professeur (M. Loisy) commença son cours, en décembre 1909, avec une assistance de trois cent personnes ; il acheva l'année scolaire avec une cinquantaine de fidèles. Cette réduction le détermina, l'année suivante, à prendre une salle moins grande : celle où enseigna Renan. Il n'eut plus guère qu'une trentaine d'auditeurs, la plupart moins attirés par l'histoire du sacrifice que par le désir de recueillir des à-côtés piquants, des allusions ou de discrètes échappées sur le christianisme.

L'assiduité n'était d'ailleurs pas sans mérite. Le maître ne s'efforçait jamais de remédier à l'aridité du sujet. Il différait probablement de Renan, qui usait de l'ancienne phrase française, nuancée, enveloppante, parlait haut et lentement pour toute l'assistance. M. Loisy avait le débit précipité, haché, la voix frêle. Pour peu qu'on fût éloigné de sa chaire, on le suivait difficilement. Il fallait du temps pour se faire à sa prononciation de paysan champenois, qui dit les O comme des A et laisse tomber des lettres essentielles. Bien qu'il eût soigneusement préparé le fond de ses leçons pendant les vacances et les eût longuement méditées, chacune semblait une improvisation. Il discuter minutieusement des textes, et disséquait des faits. Ses ironies ne pouvaient guère être goûtées que par ceux qui en connaissaient les intentions malicieuses.

Extrait de " Alfred Loisy, sa vie - son œuvre " Albert Houtin, Félix Sartiaux, publié par Emile Poulat, Paris, 1960, p. 173.



La maison natale: Ambrières

La campagne aux alentours d'Ambrières

Le séminaire de Châlons sur Marne

Landricourt, où il fut curé



La tombe d'Alfred Loisy - Ambrières


Présentation par Emile POULAT
Directeur d'études à l'École des
Hautes Études en Sciences sociales.
ALFRED LOISY (1857-1940)
Aucune rue à Paris, ni en France, ne porte le nom d'Alfred Loisy qui a pourtant laissé dans l'histoire un nom inoubliable. Voici exactement un siècle, il était le personnage central, à son corps défendant, d'un choc dramatique entre la culture catholique traditionnelle et la nouvelle culture laïque, issue des Lumières et de ses effets au sein de l'Église catholique.
Ce choc de la culture héritée avec la culture moderne a trouvé tout naturellement son nom : le modernisme, dont le pape a solennellement condamné les "erreurs" par l'encyclique Pascendi, le 8 septembre 1907. Mais avant de dire "modernisme", on a commencé par dire loisysme, et même, par une métathèse naturelle, "loysisme".

De quoi s'agissait-il ? La Bible était l'ouvrage de référence de toute culture chrétienne. Elle était à la fois - et, semblait-il, inséparablement - parole de Dieu et représentation du monde, la première garantissant la seconde.
Cette représentation du monde a été mise en cause par ce qu'on a appelle les découvertes de la science et, corrélativement, la formation d'un esprit nouveau dit scientifique, fondé sur l'observation et l'expérimentation. Le premier coup de tonnerre dans un ciel serein fut l'affaire Galilée, c'est-à-dire la nouvelle astronomie. Le second sera l'apparition de la paléontologie, remettant en cause l'ancienneté de l'homme et donc la date de la création du monde. Le troisième sera Darwin et l'évolution des espèces, par opposition au "fixisme" et au "créationnisme" attribué à la Bible.
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Presentation by Emile POULAT
Director of Studies at the École des
Hautes Études en Sciences sociales
ALFRED LOISY (1857-1940)
Nowhere in Paris or in the whole of France is there a street called after Alfred Loisy who has, nonetheless, left a name not to be forgotten in history. A century ago and against his will, he became the center of a dramatic clash between traditional Catholic culture and the new seclar culture, resulting from the Enlightenment and its effects within the Catholic church.

The cultural clash that was inherited along with modern culture naturally became known as Modernism, whose "errors" the pope solemnly condemned in the encyclical Pascendi, promulgated on September 8, 1907. But before saying "Modernism," said "Loisysme", and even, by a natural metathesis, "loysisme".

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Dernière modification : 15.03.2022