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Les
grandes dates annonciatrices de la condamnation définitive : L'aventure
moderniste |
Tiré
du livre Poulat (Emile)
Critique et mystique,
Paris, Le Centurion, 1984
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Disposition
d'esprit d'Alfred Loisy avant l'excommunication |
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"
Durant les derniers jours de février, où j'attendais le jugement
qui me retrancherait de l'Eglise romaine, mes forces physiques, dont je
n'ai jamais eu grande provision, tombèrent tout à coup, et
cette circonstance influa certainement sur les décisions que je pris
alors. Il me sembla, et c'était vrai, que, l'excommunication intervenant,
ma santé ne me permettrait pas de continuer, au milieu du bruit qui
ne manquerait pas d'en résulter, mes travaux et mon enseignement.
Déjà mon cours à l'Ecole pratique des Hautes Etudes
était envahi par une véritable foule, d'ailleurs sympathique
ou tout au moins respectueuse, mais dont la seule présence me fatiguait
singulièrement : ce n'est pas pour ces curieux que je voulais parler.
Au lieu de les disperser, l'excommunication les multiplierait. Inconvénient
non moins grave à mes yeux, le Section des Sciences religieuses,
qui n'avait pas jugé bon de m'agréger définitivement
à elle en 1901, pouvait être disposée à le faire
en 1904, et il ne plaisait pas de paraître chercher par l'excommunication
un honneur qui m'avait d'abord été refusé. Je n'étais
pas non plus sans préoccupation des conséquences que pourrait
avoir ma sortie de l'Eglise, dans certaines conditions, pour ceux, grands
et petits, qui m'avaient suivi, encouragé, soutenu ou protégé.
J'étais las du tapage qui se faisait autour de moi ; j'éprouvais
un immense besoin de solitude et de repos. Je ne me dissimulais aucunement
l'échec de la tentative que j'avais faite pour émanciper la
pensée catholique. Il aurait été facile de compter
ceux qui m'avaient compris. A de rares exceptions près, rien de plus
superficiel que les jugements de la presse sur un débat qui, au fond,
était tragique pour l'Eglise autant que pour moi. Je me sentais isolé
entre cette Eglise prête à me rejeter comme un novateur dangereux,
et le siècle qui, pour quelques jours, trouvait amusant le duel d'un
abbé avec la hiérarchie catholique. "
Alfred Loisy,
Choses passées, Paris, Ed. Emile Nourry, 1913, p.288, 289, 290
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Décret
d'excommunication prononcé par la Sacrée Congrégation du Saint Office |
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Tout le
monde sait que le prêtre Alfred Loisy, habitant actuellement dans le
diocèse de Langres, a enseigné et publié plusieurs choses qui ruinent
les fondements principaux de la foi chrétienne.
Toutefois, on espérait encore que, peut-être trompé par l'amour de la
nouveauté plus encore que par la mauvaise volonté, il se conformerait
aux récentes déclarations et prescriptions du Saint-Siège en cette matière,
et c'est pourquoi jusqu'ici on avait réservé les plus graves sanctions
canoniques ; mais il est arrivé au contraire, qu'au mépris de tout,
non seulement il n'a pas abjuré ses erreurs, mais qu'il les a confirmées
avec obstination dans de nouveaux écrits et dans des lettres aux supérieurs.
Comme il est donc tout à fait manifeste qu'après les avertissements
canoniques formels, il s'obstine dans ses erreurs, la Suprême Congrégation
de l'Inquisition, pour ne pas manquer à sa charge, et sur mandat exprès
de Notre Saint Père Pie X, a prononcé la sentence de l'excommunication
majeure contre le prêtre Alfred Loisy, nommément et personnellement.
Elle déclare solennellement qu'il est frappé de toutes les peines encourues
par ceux qui sont excommuniés publiquement et que, par suite, il est
à éviter et qu'il doit être évité par tous.
Donné à Rome, au palais du Saint Office, le 7 mars 1908.
Pierre Palombelli S.R. et Univ. Inquisitionis Notarius
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Après
l'excommunication : état d'esprit de Loisy |
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"
Lorsque, seul entre tous ceux de ma nation dans un temps de lutte contre
l'Eglise, je fus frappé de l'excommunication nominative, j'avais
depuis huit jours, cinquante et un ans accomplis. Mais beaucoup de mes années
avaient compté double. Je me sentais vieux et fatigué, et
les médecins me confirmaient dans ce sentiment. C'était pour
terminer mes jours auprès de ma famille que je m'étais retiré
à Ceffonds. Je n'attendais plus rien de la vie, et si l'excommunication
me rendait la liberté, elle ne m'apportait aucun espoir de situation
ou d'action dans la société contemporaine. Elle m'assurait
seulement, ou du moins elle paraissait m'assurer la faculté d'un
travail indépendant et une fin relativement tranquille.
Le grand
bruit qui continuait de se faire dans l'Eglise à mon sujet ne m'inquiétait
plus. Ma paix intérieure était entière. Désormais
je n'aurais plus l'air de professer une doctrine que je trouvais de plus
en plus indéfendable, de servir une Eglise dont je ne pouvais approuver
sans réserve les desseins ni les pratiques. Pour retrouver dans
mes souvenirs une pareille sécurité de l'âme, il m'aurait
fallu remonter au temps de mon adolescence, lorsque, sans aucune préoccupation
d'avenir, sans aucun trouble d'esprit ni de conscience, aux heures libres
que me laissaient les leçons de mon curé, j'aidais ma mère
dans le soin des volailles, de ses abeilles et de son jardin. "
Alfred Loisy, Mémoires III, Paris, Ed Emile Nourry, 1931, p.5
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Réactions
de la presse à l'issue de l'excommunication |
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Le
jour où paraissait ce décret était le dix-huitième
anniversaire de la promotion de M. Loisy au doctorat en théologie.
Le Saint-Office
ordonna à l'évêque de Langres d'afficher cette sentence
dans les principales églises du diocèse : elle le fut dans
les églises de Ceffonds et de Montier-en-Der(1).
Un curé voisin recommanda même aux prières du prône
l'excommunié en le traitant de "pauvre déséquilibré".
La presse catholique
expliqua naturellement à ses lecteurs dans quelle position se trouvait
M. Loisy en vertu de la sentence inquisitoriale et que " tous devaient
l'éviter "
Voici
le commentaire de La Croix (2):
Désormais, toute relation de convention, correspondance, tout rapport
de vie civile ou privée avec lui est interdite <sic> aux
catholiques, hors les cas de nécessité temporelle ou spirituelle
pour l'excommunié ou les fidèles et autres cas prévus
par les canons.
La
Semaine religieuse de Cambrai
ajouta les détails suivants :
Un
excommunié de ce genre doit être rigoureusement exclu des
divers offices. S'il a l'audace de s'y ingérer, il doit être
invité à se retirer ; s'il s'y refuse, il doit être
expulsé, mais sans violence ; s'il ne peut être ainsi expulsé,
les fidèles doivent se retirer, ainsi que le prêtre, à
moins qu'il ne soit au canon de la messe. En ce cas, il doit la continuer,
avec son seul servant, jusqu'à la communion du précieux
Sang, et se retirer alors à la sacristie pour y dire les prières
de la communion, de la postcommunion et le dernier évangile.
L'Ami
du Clergé dit gravement
:
Il
ne peut être ni juge, ni plaignant ; ni procureur, ni avocat, ni
témoin, ni curateur, ni exécuteur testamentaire, ni faire
licitement des contrats et des testaments.
L'Eglise lui refuse la sépulture ecclésiastique, et la présence
de son cadavre est une cause de pollution pour le cimetière(3).
Le
Siècle du 15 mars 1908
Le
décret qui frappe cet ecclésiastique a été
accueilli par tous les catholiques sincères avec une douloureuse
satisfaction
.
Désormais les blocards, les juifs, les modernistes et les francs-maçons
peuvent applaudir Loisy. L'histoire nous enseigne ce que vaut l'applaudissement
immoral des ennemis du Christ
Ces explications ne recueillirent pas le succès politique qu'espéraient
sans doute les publicistes catholiques. Dans le diocèse de Langres,
où le décret du Saint-office fut affiché, maîtres
d'école, commerçants, agriculteurs, écrivirent à
l'excommunié pour lui demander les livres défendus et protester
contre l'intolérance cléricale
Un
léger nuage vint cependant le troubler. Sa domestique, conseillée
par de pieuses personnes, le quitta. Mais comme elle ne se plut pas dans
sa nouvelle place, elle revint chez lui.
Extrait
de " Alfred Loisy, sa vie - son uvre " Albert Houtin,
Félix Sartiaux, publié par Emile Poulat, Paris, 1960, p.
151, 152,153.
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1)
Dans Mémoires., II, p.645, M. Loisy raconte qu'un jeune homme parent
de son beau-frère arracha ce papier. Il ajoute : " Il paraît
que d'après notre législation, j'aurais eu le droit de le
faire enlever, mais que l'autorité publique n'avait à intervenir
que sur ma réquisition. Pour ma part, j'aurais cru plutôt qu'un
acte violent, commis publiquement par un étranger sur notre territoire,
contre un citoyen inoffensif, devait être réprimé sans
autre forme de procès. "
2) 10 mars 1908
3) Le Codex juris canonici, can. 2252, 2259, 2267, 1240, promulgué
par Benoît XV en 1917, n'a pas sensiblement modifié la législation
antérieure |
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Serment
anti moderniste
(Saint Pie X: motu proprio Sacrorum antistitum, 1er septembre 1910).
Deux années après la condamnation d'Alfred Loisy, les étudiants
et membres des institutions d'enseignement catholique (séminaires
et facultés catholiques) devaient à l'entrée de leur
cursus universitaire prononcer le serment anti moderniste que nous vous
proposons dans son texte latin. |
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JURIS
JURANDI FORMULA.
Ego... firmiter amplector ac recipio omnia et singula, quæ
ab inerranti Ecclesiæ magisterio definita, adserta ac declarata
sunt, præsertim ea doctrinæ capita, quæ, hujus temporis
erroribus directò adversantur. Ac primum quidem Deum, rerum omnium
principium et finem, naturali rationis lumine per ea quæ facta sunt,
hoc est per visibilia creationis opera, tanquam causam per effectus, certo
cognosci, adeoque demonstrari etiam posse, profiteor..........................
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Télécharger
l'intégralité du serment anti moderniste en latin
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Début
du serment anti moderniste en français
" Moi, N..., j'embrasse et reçois fermement toutes et chacune
des vérités qui ont été définies, affirmées
et déclarées par le magistère infaillible de l'Église,
principalement les chefs de doctrine qui sont directement opposés
aux erreurs de ce temps ".
." Je me soumets aussi, avec
la révérence voulue, et j'adhère de tout mon cur
à toutes les condamnations, déclarations, prescriptions
qui se trouvent dans l'encyclique Pascendi et dans le décret Lamentabili
".
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Télécharger
l'intégralité du serment anti moderniste en français
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